Depuis des siècles, des histoires mystérieuses peuplent le folklore nippon, mêlant esprits, légendes et traditions et yokai. Des contes racontés aux enfants aux légendes populaires, ces récits occupent une place centrale dans les croyances et l’imaginaire collectif. À l’ère Edo (1603 – 1868), les histoires de fantômes et autres monstres sont très populaires, notamment dans les rakugo (monologues humoristiques traditionnels japonais). On note que, déjà au Moyen-Âge, les yokai apparaissent dans des rouleaux illustrés, dont le célèbre Hyakki Yagyozu. Aujourd’hui encore, ces contes et légendes font partie intégrante de la culture japonaise contemporaine, notamment dans la littérature, les arts, la culture du jeu vidéo ou au sein des festivals.
Les Yokai, créatures surnaturelles
Les yokai sont des créatures surnaturelles souvent liées à des phénomènes étranges, inexplicables ou dotés de pouvoirs magiques. Tour à tour malicieux, effrayants ou protecteurs, ils peuplent les légendes depuis des siècles. Étudier les yokai, c’est plonger dans l’imaginaire japonais, mais aussi découvrir les valeurs, morales et réflexions sur la nature humaine cachées derrière chaque créature.
Le Oni
Figure la plus emblématique du folklore japonais, le Oni est un démon humanoïde reconnaissable à sa peau rouge ou bleue, ses cornes de bœuf, ses griffes et son regard terrifiant. Souvent considéré comme la réincarnation d’âmes malveillantes, il sert le roi de l’enfer bouddhiste, Enma-Daio, en torturant les âmes des damnés. Mais il revient aussi hanter les vivants, semant chaos et désolation…
Présents dans les forêts, les montagnes ou les récits populaires, les Oni incarnent la malchance, les fléaux et les instincts destructeurs. Pourtant, certains sont protecteurs, montrant que même dans la mythologie, tout n’est pas noir ou blanc. Très présents dans l’art, le théâtre nō (notamment les masques de hannya), et les fêtes comme Setsubun, les Oni restent une figure incontournable de la culture japonaise.
Le Kappa
Le kappa, yōkai aquatique emblématique du folklore japonais, est une créature espiègle mais ambivalente, à la fois malicieuse et capable de bienveillance. Ressemblant à un enfant au corps verdâtre, il est doté d’un petit plat rempli d’eau sur la tête, source de son énergie vitale : s’il se vide, le kappa s’affaiblit ou meurt. Habitant des rivières et des étangs, il est réputé pour ses farces, allant du vol de concombres à des tentatives de noyade, mais il respecte scrupuleusement l’étiquette : un simple salut peut le piéger.
Grand amateur de concombres, il est courant de lui en offrir pour apaiser son tempérament. Certaines légendes évoquent même des kappa devenus alliés fidèles après avoir été secourus, prodiguant des soins ou aidant aux travaux agricoles. Aujourd’hui encore, il continue d’inspirer la culture populaire japonaise, apparaissant dans de nombreux mangas, anime et jeux vidéo, où il incarne à la fois la peur et la fascination que suscitent les forces de la nature.
Le tengu
Le tengu (du japonais 天狗 signifiant “chien céleste”) est un yōkai ancien et légendaire qui habite les montagnes reculées du Japon, qu’il est censé protéger. Reconnaissable à son visage rouge vif, son long nez, ses ailes imposantes et son apparence de vieux prêtre, il a longtemps été perçu comme un esprit annonciateur de malheurs.
Mais avec le temps, son image a évolué : le tengu est désormais vu comme une créature ambivalente, capable du pire comme du meilleur, selon son humeur. Des fêtes lui sont même dédiées, telles que le festival Tengu qui a lieu chaque année dans le quartier de Shimokitazawa à Tokyo. Maître des arts martiaux et redoutable épéiste, il aurait inspiré de nombreux guerriers et ascètes dans leur quête de discipline et de puissance.
Kitsune : le yōkai rusé
Le kitsune (狐, “renard” en japonais) est un yōkai légendaire aux multiples visages, souvent associé à la déesse Inari, protectrice du riz et des moissons. Messager fidèle de cette divinité, on le retrouve dans de nombreux sanctuaires shintō, où il veille sous forme de statue de pierre. Doué de pouvoirs surnaturels, le kitsune peut se transformer en humain (le plus souvent une belle femme) pour tromper, séduire ou enseigner une leçon à ceux qu’il rencontre.
Tantôt bienveillant, tantôt farceur, le kitsune occupe une place centrale dans l’imaginaire japonais. Et même dans l’assiette, il laisse son empreinte : les kitsune udon, un plat de nouilles servies avec une tranche d’aburaage (tofu frit), doivent leur nom à la croyance populaire selon laquelle les renards raffolent du tofu frit.
Shōjō : Le yokai du saké
Pour vous introduire un yōkai lié à certains de nos produits Umami, voici le shōjō, un yōkai joyeux, souvent représenté avec une chevelure rouge et réputé pour son amour démesuré pour… le saké ! Il danse et chante en buvant, et selon la légende, il aurait la capacité de rendre l’alcool encore meilleur s’il l’apprécie. Il incarne à la fois la fête, l’excès et la magie de la boisson. Dans certaines versions de la légende, il est capable de se transformer en humain pour se mêler à la foule. Le shōjō est également considéré comme un symbole de chance et de prospérité, en particulier dans les régions côtières.
Les contes populaires japonais
Le premier conte japonais connu est issu du Kojiki (古事記), achevé en 712. Il est considéré comme le plus ancien texte historique et mythologique japonais. Dans le Kojiki, les premiers contes concernent la création du Japon et des dieux, notamment l’histoire des divinités Izanagi no Mikoto et Izanami no Mikoto, qui donnent naissance aux îles japonaises et aux kami (esprits ou dieux). Ce sont donc les récits du Kojiki qui constituent les premiers contes japonais connus.
Kaguya, la princesse venue de la lune
Le Conte de la Princesse Kaguya est l’un des plus anciens et emblématiques récits du Japon, un chef-d’œuvre de poésie et de grâce. Il raconte l’histoire d’un modeste coupeur de bambou qui découvre, scintillant dans un chaume lumineux, une minuscule fille aux allures célestes. En quelques instants, elle grandit pour devenir Kaguya, une jeune femme d’une beauté surnaturelle, dont l’éclat attire les prétendants les plus puissants du pays, y compris l’empereur lui-même. Mais Kaguya cache un secret : elle n’est pas de ce monde, mais de la Lune, et son séjour sur Terre n’est qu’un passage.

Face aux demandes insistantes de mariage, elle impose aux prétendants des épreuves impossibles, révélant la vanité des ambitions humaines. Le moment venu, malgré l’amour sincère qu’elle ressent pour sa famille adoptive et la tristesse de l’empereur, elle doit retourner sur son astre natal. Avant de partir, elle lui laisse une lettre et un élixir d’immortalité. Dévasté par son départ, l’empereur refuse la vie éternelle sans elle et ordonne que l’élixir soit brûlé au sommet de la plus haute montagne du pays, le mont Fuji, dont le nom même évoque cette légende. Ce conte traverse les siècles en portant un message universel sur l’attachement, la perte et la beauté fugace des choses. Il a notamment été adapté au cinéma en 2013 par le Studio Ghibli, sous la direction d’Isao Takahata, cofondateur du studio. Ce long-métrage offre une relecture fidèle et émotive du conte originel, tout en y ajoutant une dimension psychologique et sociale subtile.
Momotarô, le garçon né d’une pêche
Ce conte populaire raconte l’histoire de Momotarô, un garçon né d’une pêche géante flottant sur la rivière, cueillie par une vieille femme sans enfant. Avec son mari, elle découvre à l’intérieur du fruit un bébé en parfaite santé, qu’ils élèvent avec amour. Doué d’une force exceptionnelle dès son plus jeune âge, Momotarô décide un jour de partir affronter les redoutables oni qui terrorisent le pays depuis l’île d’Onigashima. Avant son départ, sa mère adoptive lui prépare des kibidango, des boulettes de millet réputées magiques, si nourrissantes qu’un seul suffit à tenir toute une journée.

En chemin, Momotarô rencontre un chien, un singe farceur et un faisan, trois animaux dotés de parole, qui acceptent de l’accompagner en échange de ses kibidango. Ensemble, ils traversent les mers, déjouent les pièges de l’île et affrontent les démons dans leur repaire. Grâce à leur courage et leur coopération, ils triomphent, libèrent les trésors volés et reviennent en héros. L’histoire de Momotarô célèbre les vertus de la bravoure, de la loyauté et de l’union face à l’adversité, tout en éveillant l’imaginaire des enfants à travers ses créatures fantastiques et ses objets enchantés.
Urashima tarô, le pêcheur et la tortue

Cette légende japonaise emblématique raconte l’histoire d’un jeune pêcheur qui sauve une tortue maltraitée et est récompensé en étant conduit au palais sous-marin du Roi Dragon, Ryûgû-jô. Là, il vit des jours merveilleux auprès de la princesse Otohime. Mais lorsqu’il décide de rentrer chez lui, elle lui remet une mystérieuse boîte, en lui interdisant de l’ouvrir. De retour à la surface, Urashima découvre que des siècles ont passé, et en ouvrant la boîte, il libère le temps perdu et se transforme en vieillard. À l’instar de la boîte de Pandore, le coffret d’Urashima Tarô symbolise un interdit mystérieux dont la transgression entraîne une révélation tragique, mêlant curiosité humaine et irréversibilité du destin. Ce conte, à la fois poétique et mélancolique, évoque le passage du temps, l’impermanence des choses et les conséquences du désir de revenir en arrière.
Tsuru no Ongaeshi, la reconnaissance de la grue

Un jour d’hiver, un homme pauvre sauve une grue prise au piège dans la neige. Peu après, une mystérieuse jeune femme apparaît à sa porte et devient son épouse. Pour l’aider à sortir de la misère, elle lui propose de tisser des étoffes précieuses, à condition qu’il ne la regarde jamais pendant qu’elle travaille. Grâce à ces tissus d’une beauté rare, le couple s’enrichit rapidement. Mais, rongé par la curiosité, l’homme finit par espionner. Il découvre alors que sa femme est en réalité la grue qu’il avait secourue, et qu’elle sacrifiait ses propres plumes pour créer les étoffes. Attristée de voir sa confiance trahie, la grue s’envole à jamais, laissant l’homme seul et plein de remords. Ce conte, d’une grande douceur symbolique, rappelle l’importance de la confiance et du respect du jardin secret de ceux qui nous entourent.
Conclusion
Chaque recoin du Japon possède ses créatures, contes et légendes. Souvent, ils traduisent des histoires que se racontent les japonais pour “bien se comporter” dès le plus jeune âge. Ces contes et légendes font partie intégrante de la culture japonaise et fascinent aussi bien qu’ils terrifient. Vous pouvez retrouver nos autres articles sur les coutumes et croyances japonaises sur notre blog umamiparis.com.